Nous sommes à la croisée des chemins. Au cours de la dernière année, les marches pour le climat et les Semaines de la rébellion organisées par Extinction Rébellion (XR) ont placé la crise climatique sous les projecteurs. Cependant, une grande partie de cette mobilisation a eu de la difficulté à s’adapter au nouveau contexte apporté par le COVID. Au cours des derniers mois, notre mouvement se retrouve éloigné de notre élan de l’automne 2019. Nous devons maintenant nous-même décider si nous allons nous-même continuer “business as usual” ou si nous allons démontrer à nos gouvernements l’audace et l’adaptabilité qui leur manque et dont ils ont besoin.

Au cours de cette même période, les mouvements qui ont exercé le plus de pression sur le système écocidaire mondial sont ceux qui existent en dehors des mouvements axés uniquement sur la cause environnementale. Les manifestations de Black Lives Matter, centrées sur la violence policière, ont probablement été les plus importantes de l’histoire des États-Unis. Les réseaux de solidarité et de résistance autochtone qui ont bloqué les chemins de fer suite aux invasions des territoires Wet’suwet’en représentent peut-être la plus grande source de résistance - et la plus audacieuse - contre l’industrie pétrolière et gazière au Canada ces dernières années. Et au niveau international, les plus grands mouvements de protestation ont été menés par des personnes qui résistent aux politiques néolibérales et coloniales dans les pays du Sud; au Chili, en Équateur, en Bolivie, au Liban, en Irak, en Iran, en Algérie, en Haïti, et aussi dans certains pays colonisateurs comme la France.

Lors d’un atelier auquel j’ai participé sur le racisme dans le cadre du mouvement environnemental, l’animateur a utilisé le Titanic comme analogie pour expliquer le concept de justice climatique. Alors que les personnes les plus vulnérables au fond du navire pouvaient voir l’immensité de l’iceberg sous la surface de l’eau, les personnes les plus riches au sommet du navire ne pouvaient voir que son incarnation la plus superficielle et elles étaient les dernières à réaliser l’ampleur de la catastrophe à laquelle elles étaient confrontées. Alors que le mouvement climatique continue d’élargir son champ d’action d’un point de vue essentiellement scientifique, les personnes en première ligne de cette crise politique et écologique mènent depuis longtemps des mouvements et des actions audacieuses contre les causes profondes de la crise climatique.

Alors que nous nous adaptons à l’évolution de la crise de la COVID, poursuivrons-nous nos tactiques et notre vision antérieure sans les remettre en question, ou rendrons-nous honneur aux actions basées sur une réflexion continue et aux valeurs qui font partie de nos principes ? Au cours de l’année dernière, nous avons soutenu les mouvements pour les droits des autochtones, les droits des immigrants et la justice raciale et économique, mais notre engagement en faveur d’une solidarité significative a encore beaucoup de chemin à parcourir. Pour construire un mouvement plus juste, plus résistant et plus efficace, nous devrons continuer à placer les questions d’oppression raciale, économique et sexiste au cœur de notre mouvement et trouver des moyens de construire des réseaux de solidarité plus solides avec d’autres personnes qui sont plus proches des premières lignes de la crise climatique.